Myrielle en avait vraiment marre de sa décoration de bureau. Elle avait récupéré les locaux du psychologue qui était récemment parti à la retraite et ils ne correspondaient ni à la clientèle qu'elle visait (des enfants et des adolescents), ni à ses propres goûts. Bien que toujours habillée de manière assez stricte, Myrielle était une jeune femme qui aimait les couleurs claires : elle se trouvait trop jeune pour ne s'habiller qu'en noir et avait tendance à penser que ça n'aidait pas le moral. Après, elle n'avait rien contre les couleurs vives pour les vêtements mais, en l'occurrence, pour son bureau, elle voyait plutôt quelque chose de plus neutre car il ne fallait pas que les enfants se sentent agressés visuellement. Qui sait ce qu'ils avaient vécu et quelles associations ils pouvaient faire ?

N'ayant pas de talent particulier pour la décoration d'intérieur, elle suivit les conseils de sa mère qui lui avait dit à ce sujet qu'elle ferait tout aussi bien de demander à un pro' de s'en occuper. La suite fut assez simple : un coup de téléphone, un rendez-vous.

Le jour venu, on frappa à sa porte et elle alla ouvrir, un sourire professionnel aux lèvres : « Bonjour, vous devez être monsieur Kwang ? Je suis Myrielle Symphonie. » Elle lui tendit la main pour qu'il la serre et le laissa entrer. « Je vous ai appelé pour cette pièce. Je la trouve sombre et triste, j'aimerais quelque chose de plus clair, qui puisse apaiser l'esprit de mes jeunes patients sans pour autant détourner leur attention de nos séances. » Elle était prête à tout changer, même les meubles, car ils étaient aussi vieux que le reste : solides mais dans un bois de couleur foncé qui, s'ils s’harmonisaient au reste de la pièce, n'allait pas avec les ambitions de la jeune femme. Il faudrait aussi trouver une place à certains incontournables d'un cabinet : son diplôme par exemple, qui, pour le moment était simplement posé sur une étagère, ainsi qu'un nouveau canapé et un fauteuil pour que ses patients s'installent. Le bureau lui-même était plutôt réservé aux parents lorsqu'elle leur expliquait comment allait se dérouler la thérapie.

Chaque cas était différent, unique. C'était ce que Myrielle aimait dans ce métier. Le fait d'avoir été séparée de sa fille n'avait pas été sans conséquence dans le choix qu'elle avait fait de sa spécialité, mais elle s'était bien avant ça senti une affinité avec les enfants. Pas au point d'en élever un à 19 ans, malheureusement. Toutefois, il n'était pas l'heure de se voir profiler des regrets et dans les objets qu'elle allait garder dans la future décoration, il y avait aussi la photo de sa petite Megara. Une des rares qu'elle avait emporté. Officiellement, c'était sa jeune sœur, alors elle avait le droit de l'avoir en photo, non ? Et ça lui rappelait pourquoi elle était venue à Tree Hill : ne jamais perdre son objectif de vue était devenu son credo.

Du geste, elle invita le décorateur à s'asseoir pour qu'ils soient plus à l'aise. « Désirez-vous boire quelque chose ? Je dois avoir du thé et du café. » proposa-t-elle à son invité avec sa politesse coutumière. C'était un rendez-vous d'affaire en quelque sorte, alors elle se comportait comme tel.

« Très bien Darren, vous pouvez m'appeler Myrielle. » Dit-elle en le laissant entrer. Même si elle avait été élevée dans un milieu très strict, qu'on l'appelle Myrielle ne la dérangeait pas. Surtout qu'elle avait toujours l'impression d'être une usurpatrice quand on l'appelait « docteur ». Pourtant, comme l'attestait les diplômes au mur (ou sur une étagère plutôt actuellement), elle l'était, elle était docteur es psychologie spécialisée en traumatisme d'enfance et en pédiatrie. Mais beaucoup de gens avaient tendance à confondre psychiatre et psychologue, Myrielle pouvait soigner les gens avec des mots, mais elle n'avait pas fait de médecine clinique, elle n'avait pas le droit de prescrire de médicaments. Alors que c'était le cas des psychiatres. Enfin… dans le fond, peu importait, mais cela expliquait qu'elle insista moins que d'autres collègues sur les formalités d'usage.

« Avec du sucre ? » Demanda-t-elle pour le thé. Elle n'avait pas répondu tout de suite pour la hauteur de plafond, se contentant de lever les yeux pour regarder : en fait, elle était tellement obsédée par les couleurs et l'ambiance oppressante de la pièce qu'elle n'avait pas remarqué le reste. Mais après tout, il y avait sûrement de quoi faire, en effet. « Je n'avais pas vu les choses sous cet angle, mais peut-être que l'ancienneté des lieux pourrait donner un aspect confortable à la pièce une fois retravaillée. » Commenta-t-elle finalement en jetant un petit coup d’œil à la cheminée qui servait surtout de décoration, l'immeuble bénéficiant du chauffage central.

En sirotant son propre thé, elle écouta les premières observations du décorateur et approuva d'un hochement de tête : « En effet, on voit que vous vous y connaissez. Le collègue à qui appartenait ce bureau avait au moins pris en compte cet aspect de notre travail. » Dit-elle en balayant la pièce d'un geste de la main. Si l'ensemble était vieux et sombre, en revanche, rien n'était anguleux et même les vieux fauteuils étaient moelleux à souhait. Myrielle se disait que si certaines choses étaient immuables, les couleurs étaient aussi un effet de mode, en ce moment c'était le clair qu'on jugeait apaisant, peut-être que vingt ans plus tôt une pièce avec beaucoup de boiseries était l'idée qu'on se faisait d'un cocon. Les images véhiculées par la société de consommation n'était pas innocentes là-dedans, Myrielle le savait, même si ça ne l'empêchait pas d'être mal à l'aise dans son bureau tel qu'il était actuellement. « En tout cas, vous pouvez partir sur un budget large, je pense avoir prévu assez. » Elle avait pas mal d'économies de quand elle était à New-York et ne dépensait plus grand-chose, refaire la décoration et en payer l'artiste ne serait donc pas un problème.