Changer de ville était plus épuisant que ne l'aurait cru Myrielle. Il fallait se refaire une clientèle, penser à faire les changements nécessaires pour s'approprier les lieux – que ce soit son bureau ou son nouveau logement -, vérifier que l'eau, l'électricité et le téléphone étaient bien passés à son nom et que tout n'allait pas être coupé du jour au lendemain… Ce n'était pas la première fois qu'elle déménageait, mais c'était la première fois qu'elle le faisait sans l'aide de ses parents pour tout régenter.

Elle regarda une photo de Megara et elle quand celle-ci avait environ huit ans qui était posé sur son bureau. Est-ce qu'elle allait réussir à mettre ses projets à exécution ? Parviendrait-elle à récupérer sa fille de manière officielle ? Et est-ce que Megara serait d'accord avec ça ? Elle prit la photo, observa le visage de sa fille un moment, puis la reposa d'un air las. Pour l'instant il était encore trop tôt pour le dire, elle devait d'abord s'habituer à sa nouvelle vie. Heureusement, Matt était aussi ici, alors elle n'était pas complètement perdue.

Et, justement, il frappa à sa porte. Elle reprit aussitôt un peu le sourire et lui fit signe d'entrer : « Eh ! Salut ! Je suis contente de te voir ! » Elle le laissa entrer et s'installer tout seul comme un grand, entre eux il n'existait aucune gêne d'aucune sorte, ils étaient amis depuis trop longtemps pour ça !

« Pour l'instant j'essaie de me faire une clientèle. J'en ai récupéré certains de celui qui travaillait là avant moi, mais je pense que les pédiatres m'en enverront d'autres. Ou la justice, n'est-ce pas monsieur le juge ? » Elle lui sourit et s'étira. « Il faut aussi que je refasse la décoration ! Cette pièce est bien trop sombre ! » Elle voulait des couleurs claires, voire pastels. Pour des enfants, ce serait tellement mieux ! Et plus apaisant aussi : elle ne comprenait pas ce qui avait pu passer par la tête de la personne avant elle ! Du marron, du beige foncé, du kaki… eurk !

« Sinon, c'est quoi l'affaire sur laquelle tu bloques ? Je peux t'aider en tant qu'expert si tu veux. J'ai encore plein de temps libre actuellement... » Il faut dire qu'à part Matt elle ne connaissait pas encore grand monde non plus ! Mais c'était le but, quel serait les possibilités de refaire sa vie si elle allait dans une ville où elle connaissait déjà absolument tout le monde, hein ?

Ce n'était pas très gentil de se réjouir du malheur des autres, mais c'était un peu le fond de commerce de Myrielle (ainsi que celui de Matt'!). C'est pourquoi elle sourit, sachant que son meilleur ami n'y verrait pas autre chose qu'une perspective professionnelle sans que cela ne soit malsain. « Je n'en ai que cinq pour le moment en ce qui concerne les rendez-vous hebdomadaires, je dois tourner à une dizaine de patients pour ceux qui viennent moins souvent. » Autrement dit, ce n'était pas beaucoup, mais elle venait juste de s'installer. Ce n'était d'ailleurs pas qu'elle s'inquiétait pour l'argent, ça elle en avait, c'était plutôt qu'elle aurait du mal à justifier auprès de ses parents qu'elle reste dans une ville dans laquelle elle n'arrivait pas à se faire une clientèle régulière. Dans le fond, ses parents n'étaient pas des gens méchants, mais ils étaient profondément pragmatiques. C'était aussi comme ça qu'ils avaient réglé l'histoire avec Megara : ils avaient été à la solution la plus logique à défaut d'être la moins douloureuse.

Le sujet passant à la décoration abominable de son bureau, elle hocha la tête en signe d'assentiment. « Tu as raison, c'est ce que je vais faire. C'est facile d'en trouver dans le coin ? » Demanda-t-elle avant de réaliser qu'ils n'avaient effectivement pas pendu la crémaillère tous les deux : « On fera plutôt ça chez moi, je dois avoir de bonnes bouteilles quelque part dans un carton. » Et comme ils étaient tous les deux toujours très concentrés sur leur boulot (pour ne pas penser au reste concernant Myrielle), ils revinrent aux enfants dont s'occupait Matt en tant que juge.

« Bien sûr. Je peux venir en tant qu'experte quand tu veux. C'est horrible tout de même tous ces parents qui maltraitent leurs enfants… cela fait quelques années que je pratique et je n'arrive toujours pas à réaliser que ce soit possible. » Ils ne pouvaient pas juger si la petite fille était vraiment maltraiter en l'état mais si ce n'était elle, c'étaient d'autres enfants, et Myrielle continuait de trouver ça difficile. C'était aussi pour aider ceux-là qu'elle s'était spécialisé dans les enfants. Il y avait plus de clientèle chez les adultes, mais elle avait voulu un métier proche des plus jeunes sans pour autant se sentir l'âme d'un professeur ou d'un pédiatre.

Matt tourna la tête vers la fenêtre et fit un commentaire sur le temps. Myrielle observa le ciel aussi et haussa les épaules : « C'est vrai mais c'est ce que je cherchais, un peu plus de calme. Et je t'assure qu'en cette saison, New York peut être triste aussi. Tout dépend des quartiers, mais certains avec la pollution… enfin, tu vois ce que je veux dire. » Elle lui fit un clin d’œil, New-York ne lui était pas complètement inconnu, c'était là-bas qu'ils s'étaient connus.